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Coécrit avec
Olivier Leviel,
expert judiciaire
Le livre blanc des biodéchets en restauration

La gestion des biodéchets sur site par le restaurateur

Plusieurs solutions, dont certaines sont associées à un équipement, sont proposées aux professionnels pour trier et gérer sur site leurs biodéchets. Aucun équipement ou materiel ne peut se prévaloir d’un agrément sanitaire pour traiter des SPAnC3 car ces agréments ne sont jamais délivrés à des matériels mais à des process : ainsi c’est le site de traitement qui doit, le cas échéant, demander un agrément. Le restaurateur n’est pas soumis à cette obligation d’agrément : les matériels utilisés ne devront toutefois pas contrevenir à la réglementation sanitaire et environnementale (voir chapitre V pages 12 à 17). Il est important de garder ces notions à l’esprit afin de ne pas se laisser abuser par certaines solutions dont les présentations commerciales prennent certaines libertés avec les réglementations sanitaires ou environnementales, voire considèrent que les biodéchets sont des produits, donc non soumis à la réglementation des biodéchets des gros producteurs.

AUCUN AGREMENT SANITAIRE

ne peut être accordé à un materiel, mais uniquement à un site appliquant un process précis ayant fait l’objet d’une validation par la DDCSPP .

« La réglementation sanitaire et environnementale impose donc de traiter les biodéchets dans les filières agréées pour les SPAn C3, quelle que soit la forme obtenue (solide et/ou liquide) à l’issue du traitement du biodéchet par l’équipement installé chez le producteur » confirme Olivier Leviel.

L’état des lieux présenté ci-dessous se veut descriptif, tant sur un plan technique que réglementaire.

La collecte des biodéchets en bac

Les biodéchets peuvent être récoltés dans des bioseaux dans les cuisines puis transférés dans des bacs ou caisses palettes. Pour éviter tout problème d’hygiène, tous ces contenants doivent être lavés puis désinfectés à chaque utilisation et les containers de stockage doivent être étanches et couverts. Pour être légale, cette technique de collecte et de stockage contraint le producteur à se doter de bacs spécifiques pour les biodéchets (tri à la source). Elle l’oblige à des fréquences de collecte de 2 à 3 fois par semaine et surtout à les stocker dans un local réfrigéré, afin d’éviter les nuisances olfactives et la dégradation des biodéchets SPAn C3 vers une réglementation sanitaire SPAn C2, nettement plus contraignante et dotée de très peu d’acteurs. Le camion de collecte doit lui aussi faire l’objet d’un lavage et d’une désinfection systématique.

UNE FRÉQUENCE D’ENLÈVEMENT

deux à trois fois par semaine et un stockage en local réfrigéré évitent des nuisances olfactives et la dégradation des biodéchets.

Il faut également prendre conscience que la densité des biodéchets est beaucoup plus importante que celle des déchets en mélange (ancien DIB) pour lesquels ces bacs étaient initialement prévus. Les fiches techniques des fabricants de ces bacs précisent généralement un poids maximum autorisé correspondant à 30 % du volume du bac. Il est donc nécessaire de ne pas remplir les bacs au-delà du tiers de leur capacité. Il convient également d’être attentif aux risques d’accidents pour le personnel liés à la manipulation de contenants ayant des poids trop importants (limiter le poids des bioseaux à 22 kilos et le volume des bacs à roulettes à 240 litres). Si la filière de valorisation est le compostage, le prestataire pourra recommander des sacs biodégradables : privilégier des sacs transparents d’une certaine épaisseur (supérieure à 40 microns) pour éviter toute déchirure.

Les DCT étant composés majoritairement d’une fraction liquide de SPAnC3, la collecte doit se faire avec des containers assurant une totale étanchéité ainsi que des véhicules adaptés lorsqu’il s’agit de de levée de bac.

Le remplissage partiel des bacs couplé à une fréquence de collecte importante peut engendrer des coûts réels de collecte élevés très différents des tarifs initialement annoncés.

À RETENIR
  • solution facilement accessible
  • nécessite des espaces supplémentaires de stockage et un local réfrigéré pour limiter la fréquence de collecte
  • attention aux coûts de gestion cachés :
    • main d’oeuvre liée aux transferts manuels et opérations de nettoyage des contenants
    • réalité d’une facturation au nombre de bacs collectés, plus onéreuse que ne le laisserait penser un tarif exprimé à la tonne

Le compostage sur site

Le compostage des biodéchets peut se faire à l’échelle d’un établissement de restauration, sur place. Il existe sur le marché des composteurs de différentes capacités (en général entre 100 et 1 000 litres) adaptés à différents volumes de biodéchets. Le compostage in situ implique un certain nombre de connaissances et de contraintes, notamment pour le personnel. Ce dernier doit en effet apprendre un nouveau métier. En tant que responsable de la qualité du compost, c’est lui qui effectue au quotidien le mélange déchet sec-déchet humide dans la cuve et devient garant de la pérennité du recyclage du compost.

Le règlement communautaire CE n°1069/2009 et son règlement d’application (UE n°142/2011) prévoient que le compostage des sous-produits animaux comporte une phase d’hygiénisation à 70° (avec réduction préalable à 12 mm des particules) pendant une heure et que cette phase soit effectuée dans une installation dotée d’un agrément sanitaire.

La circulaire du 13 décembre 2012 du ministère de l’Écologie, quant à elle, exonère les installations traitant des « faibles quantités » de biodéchets contenant des SPAn C3, et dont le compost ne sort pas de l’établissement, de l’obligation de réaliser une hygiénisation et de disposer d’un agrément sanitaire. C’est le cas du « compostage de proximité ». Toutefois, le seuil correspondant à ces « faibles quantités » n’est pas encore défini par le ministère de l’Agriculture. Le compostage in situ est à réserver en priorité à des déchets végétaux tout en excluant les éventuels emballages (pot de yaourt, plastique) mais aussi les carcasses et les os. Un tri à la source doit être correctement suivi.

« Dans l’attente de précisions (…), on ne peut que conseiller à un producteur de biodéchets contenant des SPA3 de ne pas s’engager sur la voie du compostage de proximité.»
ADEME (guide Réduire, trier et valoriser les biodéchets des gros producteurs, 2013)

À RETENIR
  • solution réservée à une utilisation par le restaurateur sur ses propres espaces verts
  • nécessite une personne dédiée, formée et motivée au fonctionnement du composteur
  • attention aux consommations électriques en cas d’électro-composteur ;
  • insécurité juridique tant que les textes à venir sur le compostage de proximité ne sont pas parus :
    • Le seuil maximal de quantité de biodéchets autorisée à être traitée n’est pas défini,
    • La responsabilité du restaurateur pourrait être engagée si un accident sanitaire lié à l’utilisation du compost dans un espace public (espace vert d’une école par exemple) était avéré.

Le broyeur sous évier ou sur pied

Cette solution est utilisée aux États-Unis, mais interdite en France, car les réseaux et les stations d’épuration ne sont pas conçus pour absorber la charge organique et ne disposent pas des traitements nécessaires aux sous-produits animaux.

À RETENIR
  • solution totalement en infraction avec la réglementation sanitaire européenne et environnementale française.

Le bio-digesteur

Le bio-digesteur digère intégralement les déchets alimentaires et les transforme en eaux usées évacuées par les réseaux. La matière solide est « digérée » biologiquement par des enzymes ou des micro-organismes qui la transforment en matière liquide. Toutefois, comme pour le broyeur sous évier, la loi n’autorise pas l’évacuation de ce liquide dans le réseau des eaux usées.

À RETENIR
  • solution totalement en infraction avec la réglementation sanitaire européenne et environnementale française
  • consommation d’eau et d’électricité importante (600l/jour d’eau chaude maintenue à 60°C)
  • n’accepte pas certains biodéchets (surgelés, biodéchets ligneux ou fibreux, os, coquillages, noyaux…)
  • aucune étude d’impact sur les ferments utilisés dans ces matériels
  • pas d’hygiénisation

Le sécheur

Le sécheur est une technique venant des pays asiatiques avec une réglementation différente de la nôtre. Il est doté d’un malaxeur et dispose d’une résistance en fond de cuve qui fonctionne durant toute la durée du cycle pour assécher les biodéchets. D’autres systèmes assèchent le biodéchet par bain d’huile. Une fois séchée, la partie solide des biodéchets, devient une poudre appelée « séchat ». La poudre obtenue reste cependant un déchet au sens de la réglementation environnementale et de la réglementation sanitaire sur les SPAn. Ce séchat devra donc être traité dans une filière agréée pour les SPAn C3. Il faudra toutefois rester vigilant sur les conditions de stockage, lesquelles doivent impérativement se faire dans un local aéré et sec, sous peine de risquer un développement bactérien du séchat (cf. la responsabilité du restaurateur liée au changement de caractérisation d’un SPAn C3 en SPAn C2, provoqué par une dégradation du biodéchet).

Le séchat obtenu reste un déchet. Il devra être traité dans une filière agréée SPAn C3.

À RETENIR
  • n’accepte pas toujours certains biodéchets (os, coquillages, noyaux…) ;
  • diminution des volumes de biodéchets de 70 à 80 % ;
  • consommation électrique (0,6 à 1kWh / kg de biodéchets) supérieure au potentiel de valorisation en méthanisation (0,3 kWh d’électricité et 0,3 kWh équivalent chaleur) ;
  • le séchat reste un déchet devant être traité par une filière agréée SPAn C3;
  • ll sera généralement nécessaire de réhumidifier le séchat (ajout d’eau)pour réaliser une valorisation par méthanisation ;
  • attention aux présentations commerciales de certains fabricants : la poudre ne peut pas être utilisée directement en compost, ni même transformée en pellets, mais doit être collectée par une filière agrée SPAnC3.

« Les tests respirométriques et de maturité ont mis en évidence l’instabilité des produits séchés… »
ADEME (guide Procédés de séchage de déchets en restauration : expertise technicoéconomique et aspects réglementaires, 2010)

Ces informations sont issues d’une étude réalisée par l’ADEME en janvier 2010, suivie par une note d’information ADEME du 8 août 2014, mise à jour le 6 novembre 2014.

L’éco-digesteur

L’éco-digesteur utilise la technologie des sécheurs, mais avec une température plus élevée (70°C) pour y associer l’apport de bactéries et d’enzymes qui permet de démarrer la décomposition de la matière.

La poudre obtenue reste cependant un déchet au sens de la réglementation sur la normalisation du compost et de la réglementation sanitaire sur les SPAn. Elle devra donc être traitée dans une filière agréée pour les SPAn C3. Les précautions de stockage de la poudre réclameront la même vigilance que pour celles prises dans le cadre de l’utilisation des sécheurs (local aéré et sec), sous peine de risquer un développement bactérien de la poudre (cf. la responsabilité du restaurateur liée au changement de caractérisation d’un SPAn C3 en SPAn C2, provoqué par une dégradation du biodéchet). Comme pour les sécheurs, les condensats devront être récupérés et traités dans une filière SPAn C3.

À RETENIR
  • n’accepte pas certains biodéchets (os, coquillages, noyaux…) ;
  • diminution des volumes de biodéchets jusqu’à 90 % ;
  • consommation électrique (0,6 à 1kWh / kg de biodéchets) supérieure au potentiel de valorisation en méthanisation (0,3 kWh d’électricité et 0,3 kWh équivalent chaleur) ;
  • le séchat reste un déchet devant être traité par une filière agréée SPAn C3 ;
  • il sera généralement nécessaire de réhumidifier le séchat (ajout d’eau)pour réaliser une valorisation par méthanisation ;
  • attention aux présentations commerciales de certains fabricants : la poudre ne peut pas être utilisée directement en compost, ni même transformée en pellets, mais doit être collectée par une filière agrée SPAnC3.

Le poudre obtenue reste un déchet.
Elle ne peut pas être utilisée directement en compost.
Elle devra être traitée dans une filière SPAn C3.

Ces informations sont issues d’une étude réalisée par l’ADEME en janvier 2010, suivie par une note d’information ADEME du 8 août 2014, mise à jour le 6 novembre 2014.

Le broyeur pulpeur ou déshydrateur

Ce dispositif consiste à broyer les déchets avec un apport d’eau, plus ou moins important selon les appareils, pour garantir le bon fonctionnement du broyeur (alimentation en eau déclenchée à chaque broyage ou en continu) et assurer le transport des déchets. Bien que supérieure au broyeur des équipements précédents sous évier ou sur pied, au bio-digesteur, au sécheur et à l’éco-digesteur évoqués précédemment, la capacité de broyage trouvera ses limites avec les gros os ou les coquillages.

Le broyat mélangé à l’eau est transporté vers un dispositif permettant d’extraire les liquides, soit en utilisant un tamis filtre soit par centrifugation, et d’obtenir ainsi une pulpe. Mais la pulpe reste un déchet au sens de la réglementation environnementale et de la réglementation sanitaire sur les SPAn. Elle devra donc être traitée dans une filière agréée pour les SPAn C3. La partie liquide extraite par tamisage ou centrifugation devra être stockée en contenant étanche pour être collectée et traitée dans une filière SPAn C3, au même titre que la pulpe.

Concernant le stockage de cette dernière, les précautions à prendre sont identiques à la collecte en bac sans prétraitement.

L’INTERDICTION DE REJETER LA FRACTION LIQUIDE AUX EAUX USÉES REND CE DISPOSITIF INOPÉRANT :
  • consommation d’eau du système
  • obligation d’une double collecte : la fraction liquide (issue des bio séchets broyés) et la pulpe
À RETENIR
  • afin que ces appareils puissent être conformes à la réglementation dans leur usage, il est nécessaire de prévoir des équipements complémentaires (cuve de récupération des liquides) et une double collecte par une filière agréée SPAnC3 :
    • en bac pour la pulpe,
    • en cuve pour les rejets liquide
  • consommation d’eau importante (70 à 350 litres / heure selon les modèles) qui s’ajoute à la fraction liquide des biodéchets ;
  • attention aux présentations commerciales de certains fabricants :
    • la pulpe des biodéchets ne peut pas être utilisée directement en compost,
    • les liquides extraits ne peuvent pas être rejetés directement dans les eaux usées même en passant par un bac à graisse.
  • contrairement aux arguments généralement présentés, il n’y a pas de 

    réduction de volume de biodéchets mais une augmentation du volume global (liquide + solide + consommation d’eau)

40%
de réduction des volumes de biodéchets.
Stockage en cuve étanche pendant plusieurs semaines.

Le bio-tank

Cette dénomination recouvre un mode de stockage qui associe une cuve de stockage des biodéchets, à des réseaux de canalisation permettant d’assurer le transfert automatique des biodéchets des points de collecte vers la cuve dans un circuit étanche. Lorsque les collecteurs sont positionnés directement aux postes de travail, ce transfert automatique permet d’éliminer les contenants intermédiaires et les opérations manuelles afférentes (manipulation, nettoyage-désinfection), tout en apportant confort de travail et garantie d’hygiène. Plusieurs technologies peuvent être utilisées pour effectuer ce transfert :

  • par aspiration sous vide d’air ;
  • par poussée d’air ;
  • par voie humide (dans ce dernier cas, on sera particulièrement vigilant aux consommations d’eau engendrées par le système).

Ces systèmes utilisent des broyeurs permettant d’obtenir une « soupe » d’un volume 30 à 40 % inférieur au volume initial des biodéchets. Un camion-citerne vient ensuite périodiquement collecter « la soupe », en vue de sa valorisation : les collectes peuvent être espacées de plusieurs semaines, voire davantage.

À RETENIR
  • diminution des volumes de biodéchets de 30 à 40 % ;
  • système étanche avec stockage en cuve dans un local banalisé sur une longue durée ;
  • collectes pouvant être espacées de plusieurs semaines, voire davantage ;
  • transparence des coûts : concordance entre le tonnage collecté et celui facturé par le prestataire ;
  • suppression des contenants intermédiaires, de leur manipulation et des opérations de nettoyage-désinfection ;
  • attention aux différentes technologies employées selon les fabricants ayant des incidences sur :
    • les consommations d’eau,
    • la capacité à accepter tout type de biodéchet selon le type de broyeur.

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